26 octobre 2021

Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca

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©Photo gracieuseté

Aux plus forts moments d'achalandage, jusqu'à 300 camions par jour peuvent emprunter le petit rang de campagne.

Éreintée par cette situation qui perdure depuis trop longtemps, Claudine Desormiers a décidé de prendre les choses en main cet été. « On avait tous des petits paradis et maintenant c’est rendu l’enfer », évoque la résidente de Saint-Lin-Laurentides domiciliée sur le rang Double depuis plusieurs années. Selon elle, lors des plus grosses périodes d’achalandage, jusqu’à 300 camions peuvent passer devant sa résidence en une seule journée.

Or, le rang Double n’a pas été conçu pour recevoir un tel volume de poids lourds. Sur la chaussée, les trous se multiplient de jour en jour, pendant que les accotements, eux, s’affaissent. Les dommages infligés à la route combinés à l’étroitesse du chemin engendrent un réel enjeu de sécurité pour la circulation des résidents qui doivent s’aventurer sur les dangereux accotements lorsqu’ils croisent un camion. « J’ai fait ma tournée et tout le monde me disait la même chose : on a peur de sortir de notre cour », rapporte Mme Desormiers. Selon les citoyens qui vivent cette situation au quotidien, les camions circulent à une vitesse excédant la limite permise. Dans certains secteurs du rang où plusieurs côtes et courbes sont présentes, un enjeu de visibilité s’additionne au trafic. De plus, au bout du rang Double, la route 335 est interdite aux camions. Ce simple fait rend incompréhensible l’achalandage de poids lourds connu.

En raison de tous ces facteurs, Mme Desormiers a composé une pétition adressée au MTQ afin de restreindre la circulation aux poids lourds sur le rang Double. Celle-ci a cumulé une centaine de signatures.

©Photo tirée de Google Maps

La limite de poids autorisée sur ce ponceau de la route 158 a été réduite dans les dernières années.

Le nœud du problème

« Avant un an et demi environ, nous n’avions pas vraiment de problème puisque le pont sur Abercrombie à Sainte-Sophie était en réfection. Les camions ne pouvaient pas se rendre au rang Double », explique le maire sortant de Saint-Lin-Laurentides, Patrick Massé. Parallèlement, en 2016, le MTQ a abaissé la charge autorisée sur un ponceau de la route 158 à l’entrée de Saint-Lin-Laurentides en provenance de Sainte-Sophie. Dans le même temps, le ministère a accordé à la municipalité de Sainte-Sophie une restriction du transport par camion sur son territoire entre 19h et 7h. « Nous n’avons pas eu les répercussions tout de suite, mais dès que le pont d’Abercrombie a été ouvert, la problématique a commencé », ajoute M. Massé. Victime de toutes les mesures restrictives qui ont été implantées autour, la Ville de Saint-Lin-Laurentides et son rang Double absorbent le flot de camions qui se jette sur ses voies, faute d’autres options réalistes.

Irrégularité

Pourtant, en appliquant sa réglementation sur les routes environnantes, le MTQ semble en contrepartie fermer les yeux sur l’interdiction de camionnage prévue sur la route 335, au bout du rang Double. Après avoir soumis une demande au ministère afin de faire du rang Double un « No Truck », la Ville de Saint-Lin-Laurentides a, de son propre chef, installer des pancartes afin de sensibiliser les camionneurs à l’interdiction de passage compte tenue de la réglementation en vigueur sur la route 335. « Ça n’a pas eu l’effet escompté. Bauval et Roxboro nous ont envoyé des mises en demeure », raconte le maire Massé. Le lendemain, les pancartes étaient retirées.

Aux yeux de la municipalité, cette demande d’autorisation ne devait être qu’une simple formalité. Avec surprise, elle s’est toutefois butée à un refus. « Ils se sont opposés et c’est là qu’ils ont fait des demandes farfelues à gauche, puis à droite ». Effectivement, une analyse de l’impact économique est exigée à la Ville afin de traiter sa demande. « Il n’y en a pas d’impact. Ils (les camions) ne sont pas censés passer là parce qu’au bout, ils sont bloqués », martèle Patrick Massé. Le maire refuse de puiser dans l’argent des contribuables pour commander une étude sur un problème créé directement par le ministère.

Entente tacite?

« Y a-t-il eu une entente entre le ministère et Bauval / Roxboro? », se questionne M. Massé. Jour après jour, ce sont principalement les camions de la carrière Bauval à Saint-Hyppolite qui transitent par le rang Double pour se rendre à leur point de service de L’Épiphanie. Toujours est-il que l’entreprise s’est vu octroyer le contrat d’approvisionnement pour les travaux effectués par l’entreprise Roxboro sur l’autoroute 25 entre Mascouche et Saint-Esprit l’année dernière. « Si les camions de Bauval avaient diminué leur chargement pour emprunter la route 158 ou effectué le détour pour respecter l’interdiction de camionnage sur la route 335, l’impact sur les coûts de réalisation aurait été faramineux », remarque la Ville. En laissant l’entreprise transgresser la réglementation, le MTQ permettait à Bauval de réduire considérablement le montant de sa soumission.

L’existance d’une telle entente est totalement niée du côté du MTQ. « Il n’y a aucune « entente » entre le Ministère et la carrière Bauval. Le Ministère continue de collaborer étroitement avec la ville afin de trouver des solutions à ce problème de camionnage en transit qui dégrade le réseau routier local et perturbe la quiétude des résidents de Saint-Lin-Laurentides », a-t-on affirmé. Bien qu’un projet de réfection du pont sur la route 158 soit inscrit à la planification du ministère, aucun échéancier de réalisation du projet n’est disponible à ce jour. D’ici la réalisation des travaux, les véhicules lourds sont invités à emprunter les autoroutes 15, 640 et 25.

Pour justifier les délais dans le traitement de la demande, le ministère précise que plusieurs rues de la ville font partie de cette analyse. De plus, il réitère que certains documents qui ont été demandés à la ville manquent toujours.

Jusqu’au bout

Si on lui met des bâtons dans les roues, Patrick Massé assure qu’il ne baisse pas les bras dans ce dossier. Depuis plusieurs mois, l’élu entretient tous les jours des pourparlers avec tous les acteurs impliqués afin d’apporter des solutions concrètes pour la sécurité de ses citoyens.

À quelques jours de la fin de son mandat, M. Massé se sera battu jusqu’au bout. « On va laisser le soin au futur conseil de voir ce qu’il va faire avec ça. » Si le dossier demeure dans l’impasse, celui-ci est toutefois d’avis qu’il devrait être porté plus loin, en impliquant le ministère de la Sécurité publique.

Bien que le rang Double soit une route de juridiction municipale, la réglementation encadrant le camionnage est régie par les autorités provinciales.